Avec la suppression progressive de la taxe habitation, les communes courent le risque d’une asphyxie financière. Et comme il n’est pas possible de diminuer leurs recettes sans trouver de compensation, les propriétaires et investisseurs immobiliers retiennent leur souffle. La taxe foncière va-t-elle exploser d’ici quelques années ?

La Loi de Finance 2020 a mis le feu aux poudres en prévoyant une révision de la valeur locative des biens immobiliers à horizon 2026. Vous le savez peut-être, la valeur locative est un des principaux éléments servant au calcul de votre taxe foncière. Or, les valeurs locatives n’ont pas été révisés depuis 1970. Les seules valeurs locatives plus récentes sont évidemment celles liées à des constructions immobilières après 1970.

Pour autant, il est difficile de considérer qu’une valeur locative datant de 1995 est plus proche de la réalité qu’une valeur locative de 1970. De plus, cet enchevêtrement de valeurs locatives conduit à des inégalités entre les propriétaires. Comment expliquer en effet que la taxe foncière varie fortement pour deux maisons dans un même quartier du fait de leurs dates respectives de construction ? 

La question que vous vous posez est la suivante : ma taxe foncière va-t-elle augmenter ? 

Mais pour apprécier la pertinence de cette révision prévue à horizon 2026, il faut se poser cette question de manière plus globale. Ainsi, cette révision aura-t-elle pour conséquence d’augmenter les recettes liées à la taxe foncière au niveau national ? 

Ou est-ce simplement une réactualisation qui fera des gagnants et des perdants pour des recettes fiscales stables ? 

Le calcul de votre taxe foncière

Petite piqûre de rappel préliminaire : comment est calculée votre taxe foncière ? 

Pour calculer votre taxe foncière, les impôts utilisent les données suivantes :

  • Revenu cadastral 
  • Taux d’imposition
Le revenu cadastral est tout simplement la valeur cadastrale (revenu annuel théorique) diminuée d’un abattement de 50%. Cet abattement matérialise les frais liés à l’entretien d’un bien immobilier.
 

Le taux d’imposition quant à lui est voté par les collectivités locales (commune ou intercommunalité). A titre d’exemple, le taux en vigueur à Reims est égal à 29,26%. 

Une fois ces deux variables connues, le calcul est le suivant

 

Revenu cadastral X Taux d’imposition = Taxe foncière

1 500 X 29.26% = 439 €

Cet exemple chiffré prend pour base une valeur cadastrale de 3 000 €. Soit 1 500 € après application de l’abattement.

C’est bien cette valeur cadastrale qui doit être révisée à horizon 2026 afin de coller à la réalité locative. Par ailleurs, il n’est plus question de conserver une valeur cadastrale figée. En effet, celle-ci sera ensuite révisée annuellement

Ce mécanisme d’actualisation contemporaine est déjà mis à l’oeuvre dans le secteur des aides sociales notamment pour le RSA ou la prime d’activité. Les allocations liées au logement devraient suivre le même chemin. 

 

Actualisation des valeurs locatives : une mesure de justice fiscale ?

La volonté du gouvernement semble claire : réduire les inégalités face à la taxe foncière mais aussi faire correspondre le montant de celle-ci avec la valeur locative réelle du bien concerné. 

Ainsi, la réactualisation des valeurs cadastrales s’appuiera sur la valeur locative des biens immobiliers. Ces données seront collectées directement auprès des bailleurs privés pour les biens donnés en location. 

La conséquence serait donc une adaptation de la taxe foncière à la valeur locative réelle et par conséquent à l’évolution du quartier où est situé le bien. 

Il y aurait donc en théorie des gagnants et des perdants selon la revalorisation de l’emplacement du bien ayant un impact direct sur la valeur locative.

Mais ce sont les conséquences imprévues qui vous inquiètent et c’est bien normal. 

Cette réadaptation du calcul de la taxe foncière ne doit pas conduire à une augmentation des recettes fiscales. Le gouvernement déclare donc qu’au-delà des impacts particuliers, la taxe foncière dans sa globalité ne rapportera pas plus d’argent à l’Etat. 

C’était aussi un argument mis en avant lors de la réforme des retraites ou encore lors de la mise en place de la contemporanéité des allocations sociales. Le constat final est bien plus contrasté.

La vérité est que l’impact global de cette réévaluation constante à compter de 2026 n’est pas encore connu et pourrait provoquer une hausse généralisée de la taxation supportée par les propriétaires de biens immobiliers. Il suffit par exemple pour une valeur cadastrale datant de 1970 de prendre en compte l’inflation dans un contexte de revalorisation de l’emplacement neutre.

Afin d’anticiper notre réaction qui sera, elle aussi, contrastée dans ce cas de figure, ce sera aux collectivités locales d’agir pour maintenir la taxe foncière à un niveau acceptable. En effet, les collectivités ont déjà mis en place dans mesures de lissages des taux d’imposition dans le cas d’un transfert de compétence des communes vers une intercommunalité. 

Il appartiendra donc aux communes et intercommunalités de réduire leur taux d’imposition afin de maintenir la taxe foncière à un niveau constant. 

Là encore se pose une question semblable à celle posée par la réforme des retraites. Quel intérêt de réactualiser les valeurs cadastrales tout en réduisant le taux d’imposition pour arriver à un jeu à somme nulle ? 

Le but de cette mesure ne serait-elle pas, tout comme l’instauration de la retraite par point, de se dégager une marge de manœuvre pour finalement provoquer une augmentation de la taxation liées à la propriété foncière ? 

Rendez-vous en 2024

L’administration fiscale commencera à collecter les données des loyers au 1er Janvier 2023 afin d’établir une valeur cadastrale réévaluées pour l’année 2024. Cette collecte de données pour chaque typologie de biens immobiliers continuera jusqu’en 2026. 

Ainsi, si l’application de cette mesure est réellement faite au 1er Janvier 2026, l’administration fiscale bénéficiera déjà de projections sur les conséquences fiscales de la réadaptation de la valeur locative. Il n’est donc pas à exclure que nous ayons nous aussi une vision globale des conséquences réelles de ce changement avant sa mise en application. 

Il vous faut par ailleurs garder à l’esprit que cette mesure pourrait être repoussée voire même abandonnée dans les prochaines années si la contestation est forte ou en cas de changement de stratégie au cours du prochain quinquennat.

Il est donc trop tôt pour tirer à boulet rouge sur cette réforme dont l’application est lointaine et les conséquences encore inconnues. Attendons déjà que l’administration fiscale en connaisse les implications pour juger du bien-fondé ou non de cette réforme. 

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