L’Etat accélère sur le sujet des passoires thermiques. Il souhaite faire de la décennie à venir celle de la rénovation énergétique du logement français. Ce ne sont pas les problématiques de pénurie ou de coût de l’énergie qui lui donneront tort sur ce point. 

Mais il faudra bien que quelqu’un paye pour cette rénovation du parc locatif français. Devant cette certitude, la grogne monte chez les propriétaires particuliers. Eux n’avaient peut être pas prévu de dépenser des sommes rondelettes pour un logement détenu depuis 20 ans et dont les normes énergétiques ont certainement connu le Général De Gaulle.

Il faut bien l’admettre, le nouveau Diagnostic de Performance Energétique n’a pas contribué à rassurer les propriétaires par sa notation d’une toute autre sévérité vis à vis de l’ancien. Au point même que celui ci a été suspendu puis remanié afin d’améliorer (artificiellement ?) la notation globale du parc locatif ancien. 

Malgré cela, il reste certain que l’étau va se resserrer autour des conditions de location de ces logements qualifiés de passoires thermiques de manière à rendre impossible la vie d’un propriétaire n’ayant pas la volonté ou les fonds nécessaires à la rénovation énergétique demandée.

La situation n’en sera que plus complexe dans les copropriétés ou la bonne volonté de la majorité sera requise pour lancer les travaux les plus décisifs sur la notation thermique des logements la composant. 

Mais comme le dit le proverbe : «A quelque chose, malheur est bon».

Et en effet, si les contraintes à venir risquent d’étrangler financièrement et de pousser à la vente certains propriétaires de passoires thermiques, leurs acquéreurs pourraient quant à eux réaliser de juteuses affaires

A condition bien entendu d’avoir prévu le coup. Ou plutôt le coût.

Passoire thermique

Un investissement ouvert aux quatre vents pourrait-il être l’opportunité de la décennie ? 

Détention de passoire thermique : le danger est partout

Ce n’est pas nouveau, un logement ayant une mauvaise notation énergétique aura une valeur de marché inférieure à la moyenne. Mais aujourd’hui, ce n’est pas cette notation qui influe directement sur le prix du logement mais plutôt les travaux jugés aujourd’hui incontournables qui découlent de cette mauvaise notation. 

Cependant, le désamour concernant les logements peu performants sur le plan énergétique devient général et touche toutes les composantes de l’investissement locatif :

  • La valeur du bien est amoindrie par l’estimation des travaux nécessaires (chauffage, double vitrage)
  • Les locataires boudent ce type de logement au profit de logements plus récents ou rénovés, ce qui tire les loyers vers le bas (sauf dans les zones très tendues)
Le désamour des locataires potentiels se fait de plus en plus prégnant et ne risque pas de s’améliorer avec le contexte actuel de hausse des prix de l’énergie. Pour autant, tout le monde ne peut pas être exigeant sur l’isolation de son logement. Cet état de fait aurait donc pu laisser une certaine tranquillités aux propriétaires de passoires énergétiques.
 
C’était sans compter sur le gouvernement et sur sa volonté d’accélérer les choses en maniant plus aisément le bâton que la carotte. 

Passoires thermiques : des échéances punitives à court terme

La carotte est pour le moment légère et se répartit entre les mécanismes déjà existant : 

  • Convention ANAH et aides locales
  • Prime Rénov
  • Déficit foncier ou amortissement LMNP

Problème : ces mécanismes sont connus depuis longtemps et ne constituent pas un encouragement supplémentaire à la dépense énergétique. 

Alors à défaut d’autres dispositifs incitatifs, le gouvernement sort pour le moment le gourdin de la contrainte locative progressive : 

  • 2023 :  Interdiction de remise en location des logements dont la consommation annuelle est supérieure à 450 KWH/M²
  • 2025 :  Interdiction de remise en location des logements classés G
  • 2028 :  Interdiction de remise en location des logements classés F

Cette législation (susceptible d’évoluer) ne paraît toucher que les renouvellements et nouveaux baux locatifs.

Cependant, cette législation prévoit aussi de permettre au locataire engagé dans un bail en cours d’exiger de son propriétaire des travaux de rénovation énergétique afin d’améliorer la notation du logement concerné. 

Si cette législation part d’un bon sentiment, elle produira sans doute des effets pervers sur les petits propriétaires ne disposant pas des fonds nécessaires pour effectuer les travaux nécessaires à la remise en location ou demandés par le locataire.

Rappelons tout de même que le budget nécessaire pour une rénovation énergétique peut être significatif selon les travaux nécessaires et la performance énergétique de départ. Ainsi, si une enveloppe de 10 000 € peut suffire à faire passer un logement d’un DPE F à E, la note peut monter à plusieurs dizaines de milliers d’euros pour un DPE G devant passer a E d’ici 2028. 

Passoires énergétiques : Pertes & Profits

Il est quasiment certain que le durcissement des conditions de location provoquera un mouvement progressif de cession qui deviendra de plus en plus prégnant à l’approche des échéances prévues.

Les propriétaires qui céderont leur bien à l’approche de l’interdiction de mise en location seront au pied du mur et les arguments de négociation du prix de vente seront alors multiples : 

  • Les dépenses nécessaires à la remise en location seront connues des investisseurs et pourraient augmenter sous l’effet d’une demande forte et concentrée dans le temps
  • Le potentiel locatif nul sans dépenses significatives
  • Le vendeur sera certainement pressé de vendre un bien devenu un passif couteux
  • Le marché de l’immobilier pourrait connaître sur la même période un choc plus ou moins important (voir ici
Il n’est donc pas exclu que l’achat de logements neufs ou récents devienne plus populaire chez les investisseurs soucieux d’éviter des travaux couteux et les risques inhérents. La tranquillité à un prix surtout lorsqu’il est possible de calculer précisément le delta entre l’ancien à rénover et le neuf aux normes pour des décennies. 
 
Il est donc tout à fait possible que ces logements soient logés à la même enseigne que les logements vendus sous arrêté d’insalubrité ou squattés. Donc vendus à prix cassé.

C’est dans cette configuration que des acquéreurs rompus aux achats spécifiques et au suivi de travaux pourraient tirer leur épingle du jeu que ce soit sur le rendement locatif ou sur la plus-value potentielle à la revente.
 

Cela reste une vérité absolue en matière d’investissement : chaque changement de conjoncture ou d’environnement réglementaire rebat les cartes de l’investissement avec de nouvelles opportunités à saisir au détriment d’autres investisseurs

Passoire thermiques : De nouvelles carottes fiscales à venir ?

Les opportunités portées par cette dynamique de rénovation énergétique pourraient devenir d’autant plus intéressantes lorsque le gouvernement prendra des mesures incitatives destinées à accompagner cette dynamique.

Plusieurs propositions sont déjà sur la table : 

  • Doubler temporairement le plafond du déficit foncier
  • Augmenter significativement les aides financières à la rénovation

Ces propositions si elles étaient mises en application pourraient accroitre l’intérêt du rachat de passoire thermiques à prix cassé.

Cependant, des aides trop importantes pourraient aussi réduire la proportion de propriétaires de passoires thermiques dans l’incapacité de réaliser ces travaux et donc réduire l’ampleur de cette opportunité future.

Et vous ? Dans quel camp serez-vous ? 

[do_widget id=crp_widget-2]

Lire aussi...